Vous raconter mes week-ends, c'est bien beau, mais il ne faudrait pas que vous croyiez que c'est les vacances tous les jours ! Du coup, je vais vous parler de l'Université aujourd'hui.
Cet article aurait pu se résumer en liste d'étonnements, mais il y a pas mal de choses à dire...
Comme vous le savez, l'Université d'Auckland compte un très grand nombre d'étudiants (40.000). Je m'attendais donc à un établissement très impersonnel. Mais il n'en est rien. D'abord (je me répète) les professeurs nous incitent à les appeler par leur prénom ! Cette proximité est très représentative de la culture néo-zélandaise. Il est très rare de dire "Monsieur" ou "Madame" et tout le monde se présente spontanément par son prénom (même à la banque !). La politesse n'est pas pour autant mise de côté, mais la décontraction est vraiment le maître-mot en Nouvelle-Zélande. Toujours, on essaie de vous mettre à l'aise et d'éviter toute barrière entre interlocuteurs. Je vais quelque peu dériver, mais cela m'amène à vous parler du "Tall Poppy Syndrome". J'ai beaucoup parlé avec ma colocataire Antonia (qui est kiwie) de la mentalité et des valeurs néozélandaises. Selon elle l'égalité est vraiment la valeur revendiquée par tous les Néo-Zélandais. On le retrouve notamment dans leur système d'aides sociales, qui est extrêmement favorable aux Maoris. Etant les plus touchés par le chômage (en décembre 2011, 14% des Maoris sont chômeurs, contre 6,5% de chômage total en NZ = oui c'est pas beaucoup !!) ils reçoivent énormément d'aides. Parmi lesquelles, la gratuité des frais universitaires. De plus, il y a des référents pour les étudiants Maoris dans chaque matière, qui leur sont exclusivement réservés. Cette discrimination positive n'a pas l'air d'être remise en cause, ou en tout cas, pas en public. La soeur d'Antonia me confiait par exemple qu'elle ignorait si ces aides étaient efficaces, me parlant d'assistanat et de fainéantise de la part des Maoris qui reçoivent des aides substantielles...
Revenons au "Tall Poppy Syndrome". "Poppy" signifie "coquelicots".
L'image est donc le syndrôme des "grands coquelicots", comprenez les coquelicots qui dépassent de votre jardinière... Explications ! Ce symptôme apparemment apparu dans les pays anglo-saxons, est vraiment typique de la NZ, où les personnes talentueuses doivent taire leur mérite, de peur de se distinguer des autres (ce qui va à l'encontre de la valeur primordiale d'égalité donc). En NZ, ce symptôme est prégnant. Même si vous êtes très bon dans un domaine, la modestie est plus qu'appréciée selon Antonia. Si vous avez de très bons résultats à la Fac, vous n'en parlez pas... Evidemment, vous pouvez imaginer mon étonnement face à cela. La modestie est certes appréciée en France aussi, mais de là à en faire un symptôme...
J'ai vraiment complètement dérivé, mais ça fait longtemps que je voulais vous parler de ce symptôme, c'est fait !
Les professeurs de l'Uni sont pour la plupart très disponibles. Ils ont chacun des horaires précis pendant lesquels leur bureau est ouvert aux étudiants qui veulent des conseils ou ont des questions. Ils se veulent tous très rassurants : "je suis persuadé que vous allez valider ce cours", "si vous avez le moindre souci, venez me parler à la fin du cours" et nous répètent de nombreuses fois les consignes pour les partiels... On sent le syndrome des étudiants indécis et peu sûrs de leurs capacités !
Pour ce qui est de la zen attitude, elle s'illustre lors des cours. Beaucoup d'étudiants arrivent en retard (voire à la moitié du cours) sans que personne ne leur dise rien. Ici (et contrairement au CELSA), on part du principe où les étudiants sont responsables et que s'ils arrivent en retard, ce n'est pas une question de politesse, mais leur propre problème. Ils n'auront pas le début du cours, c'est à leur désavantage.
Cette responsabilité qu'on prête aux étudiants est également visible dans la manière d'enseigner. Même si la plupart de mes cours sont des cours magistraux (comprendre un prof qui fait défiler ses powerpoints), les profs s'efforcent de créer des débats, de demander leur avis aux étudiants. Ils ne sont pas dans un rapport de supériorité. Ils ont certes le savoir, mais ils ne sont pas là pour assommer les étudiants avec des dates ou des théories. Ils essaient de nous faire réfléchir, nous donnent la parole facilement. Cela m'a beaucoup fait réfléchir sur le système français. En cours en France, tu arrives vierge et presque inculte selon le professeur : il est là pour te transmettre son savoir et tu notes chacun de ses mots, telle la parole de Dieu ! En NZ, c'est très différent. Chaque semaine, nous avons des dizaines de pages à lire (et à comprendre) avant d'arriver au cours. Le professeur part du principe où les étudiants connaissent les théories, les études de cas, et s'efforce de revenir sur les points-clés, sur les questions des étudiants. Un fonctionnement très différent, où le rapport entre étudiants et professeur se veut plus équilibré je trouve. Il est donc totalement admis que les étudiants soient en désaccord avec le professeur, et débattent avec lui lors d'un cours. Chose assez difficile en France, ou tout du moins, assez mal perçue...
Evidemment, je ne fais pas l'apologie de la NZ ici. Le système a aussi ses défauts. Je trouve par exemple que les cours sont trop peu nombreux et qu'on nous demande beaucoup de travail personnel sans pour autant nous aider à "digérer" tout ce savoir. Mais dans l'ensemble, la modestie (sans la pousser jusqu'au syndrôme), l'autonomie donnée aux étudiants et la décontraction des rapports me plaisent beaucoup. C'est décidé, je reste en Nouvelle-Zélande (non je déconne !)
Belle mentalité, en effet! Ce "syndrome de la modestie" serait parfois le bienvenu en France! Cela dit pour le coup de l'étudiant vierge de toute connaissance: c'est vrai pour les grandes écoles et nos facs bien françaises... Mais je te rassure, les mentalités changent: à l'IUFM on nous apprend désormais à construire nos cours en fonction des représentations des enfants déjà présentes dans leur petite tête (J'ai d'ailleurs du réapprendre à réfléchir et à être active en cours, ça m'a fait bizarre!). ça rend la chose bien plus intéressante et productive aussi bien pour l'élève que pour l'enseignant. Enfin, c'est pas non plus tout nouveau, ça fait des années que cette pratique est enseignée... mais j'ai l'impression que ça ne dépasse pas le stade du primaire (à la limite le secondaire), ce qui est bien dommage!
RépondreSupprimerJe suis d'accord avec toi pour le syndrome de la modestie.
SupprimerQuant à la méthode d'apprentissage, je suis bien contente que tu me donnes ces précisions !